Les 3 dernières sonates

mardi 20 juillet 2021
à 12:30
Durée : env. 50 min

Le Corum - Salle Pasteur
Place Charles de Gaulle

Accès libre avec le passe Festival - Réservation obligatoire

Journée Saint-Saëns #100

CAMILLE SAINT-SAËNS 1835–1921

Sonate pour hautbois et piano op. 166
Gabriel Pidoux, hautbois
Jorge Gonzalez Buajasan, piano

Sonate pour basson et piano en sol Majeur op. 168
Mavroudes Troullos, basson
Lily Maisky piano

Sonate pour clarinette et piano op. 167
Joë Christophe, clarinette
Vincent Mussat, piano

A l’occasion du 100è anniversaire de la mort de Camille Saint-Saëns

Les trois sonates pour bois 

La première moitié du 20e siècle voit l’expansion du répertoire français pour instruments à vent. Saint-Saëns est l’un des premiers à composer pour eux, réalisant le même type de travail que celui de Liszt en son temps pour le piano : la flûte ou le hautbois se voyaient bien souvent mis en valeur pour leur virtuosité ; Saint-Saëns les transforme en instruments d’expression.

La composition des trois sonates pour bois de Saint-Saëns, l’année de sa mort (1921) correspond par ailleurs à une époque où la facture d’instruments à vent est en pleine transformation. De grands virtuoses travaillent avec Saint-Saëns, par exemple Louis Bas, hautbois solo de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, auteur d’une « Méthode nouvelle de hautbois théorique et pratique » (1913) et dédicataire de la Sonate pour hautbois et piano op. 166.

Etrangement, l’ensemble de ces trois dernières sonates de Saint-Saëns fait songer à l’art d’un Poulenc, tel qu’il s’exprimera quelques décennies plus tard, dans des sonates pour bois elles aussi au nombre de trois (flûte, hautbois et clarinette) écrites également vers la fin de sa vie… Quant à Debussy, il avait entrepris, trois ans avant sa mort (en 1915), un cycle de six sonates, dont il ne put composer que trois. Comme si ce genre « néo-classique » advenait dans l’esprit de ces trois compositeurs, in extremis, pour dire un certain « esprit français » de la musique, s’exprimant chez Saint-Saëns dans la concision et la clarté. Chacune d’elles est en effet plutôt brève (une dizaine de minutes) et semble concentrer toutes sortes de caractères expressifs venus des temps passés. Le compositeur déclarait les destiner « aux instruments peu favorisés sous ce rapport », pour leur donner « les moyens de se faire entendre ».

Sonate pour hautbois et piano op. 166

Dès le premier mouvement, Andantino, l’auditeur se voit invité à contempler un paysage très « 18e siècle », avec ses ornements, ses décors symétriques et ses réparties spirituelles. Harmonies lumineuses, espièglerie très contrôlée des « réparties » entre hautbois et piano, souvenir du clavecin pour la partie de piano, caractère pseudo-pastoral de la partie de hautbois : tout semble ici dessiner, en moins de trois minutes, un paysage tout à la fois ironique et idyllique… L’Allegretto qui suit joue sur des effets d’écho, comme le chant d’un berger dans la montagne, pour enchaîner sur une sorte de marche sautillante un peu dans l’esprit du Groupe des 6 (né justement cinq ans plus tôt et dont le répertoire se déploie à cette époque …). Le finale, Molto allegro, met en œuvre tous les pouvoirs de vélocité des deux instruments, à quoi s’associe une belle invention mélodique.

Sonate pour basson et piano op. 168

Toute dernière œuvre de Saint-Saëns, cette sonate en quatre mouvements présente dans son Allegretto initial un accompagnement de piano inspiré du baroque, qu’accompagnent les volutes d’une partie de basson comme improvisée. En contraste radical, l’Allegro scherzando qui suit sonne comme une course folle, un jeu enfantin, une conversation surexcitée entre les deux instruments, interrompue en son centre par une belle séquence lyrique, le mouvement se terminant sur une subite éclipse. Un Adagio pensif, entrecoupé de séquences passionnelles, précède un brévissime finale (Allegro moderato) : métier accompli et esprit d’enfance chez ce très vieil homme disent une vitalité artistique intacte…

Sonate pour clarinette et piano op. 167

Dédiée à Auguste Perrier, professeur de clarinette au Conservatoire de Paris, la Sonate pour clarinette est d’esprit plus belcantiste, du moins dans son premier mouvement : usant de la clarinette comme un instrument doté du plus beau cantabile et de lignes souples et lyriques. Sur une partie de piano d’esprit schumannien (un compositeur que Saint-Saëns admirait profondément), la clarinette déploie un chant comparable à celui des Fantasiestücke op. 73 du musicien allemand. On croit y percevoir le souvenir d’anciens lieder… Il faut rappeler ici que Saint-Saëns est l’auteur de nombreuses mélodies pour voix et piano et que son art dans ce domaine est aussi important que son métier pianistique ou orchestral. L’Allegro animato retrouve les jeux d’esprit des deux autres sonates pour bois, sur un mode plus savant (harmonies inhabituelles). Une poignante déploration s’ouvre ensuite, exploitant le registre très grave des deux instruments. Le finale, d’un caractère « weberien » très affirmé avec ses traits de virtuosité et son éloquence, referme l’œuvre sur un mode spirituel et éclatant.

H.P.

Une exposition a lieu actuellement et jusqu’en décembre 2021, pour le 100e anniversaire de la mort de Saint-Saëns, au Musée des Instruments à vent de La Couture-Boussey, en Normandie, sous le titre de « Un souffle de modernité ! Camille Saint-Saëns et les instruments à vent »

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