Maria Mazzotta voix
Vince Abbracciante accordéon
Musique traditionnelle italienne
- Montpellier
- - Hérault (34)
Rectorat de Montpellier
Cour Soulages
31 rue de l'Université
Journée Viva Italia
CHANTS TRADITIONNELS DES POUILLES
Vorrei Volare / Ballata Della Presa Di Coscienza
Beddha Ci Stai Untanu
MARIA MAZZOTTA
Nu Me Lassare
CHANT TRADITIONNEL DES POUILLES
Pizzica Di San Nicola
CHANT TRADITIONNEL DE SARDAIGNE
No Potho Reposare
CHANT TRADITIONNEL DES POUILLES (GRIKO)
Tore Tore Tore
CHANT TRADITIONNEL DE SICILE
Rosa Canta E Cunta
DOMENICO MODUGNO 1928–1994 (Sicile)
Pisci Spada
CHANT TRADITIONNEL DES ABRUZZES
Scura Maje (Abruzzo)
MARIA MAZZOTTA
Amoreamaro
Maria Mazzotta voix
Vince Abbracciante accordéon
Un miroir du paysage…
Rencontre avec Maria Mazzotta
« Je viens d’une famille de musiciens de Lecce, qui ne sont pas issus du folklore. Dans les années 80, on pouvait encore trouver dans la région des Pouilles des personnes âgées qui chantaient le répertoire traditionnel, qui est encore vivant.
En écoutant vos chansons, on est frappé de la diversité de vos styles vocaux – du grain le plus rauque, comme venu directement de la tradition populaire, à la voix la plus douce et lisse…
J’ai toujours eu l’objectif de représenter tous les aspects de ma personnalité, toutes mes émotions, mes différentes façons d’être – dans la musique et dans la vie. Chacun de nous a plusieurs identités : on peut être très doux mais aussi très rugueux ou violent…
En l’espace d’une dizaine de chansons, vous parcourez tout ce qui constitue le folklore, traditionnellement : la lamentation avec « Scura maje », le récit avec « Rosa canta e cunta », l’amour, la pauvreté…?
J’ai voulu évoquer plusieurs régions : la Sardaigne, la Sicile, les Abruzzes… mais ce programme est d’abord un voyage à travers l’amour et les différentes manières dont on peut le traverser et le vivre. Et je termine le concert par une chanson dont je suis l’auteur, « Amore amaro » (Amour amer), qui donne son titre à mon dernier album. Je l’ai conçue comme une « pizzica » — dans le Salento [l’extrême sud-est des Pouilles], c’est une pièce musicale d’auto-guérison, à travers laquelle on entre peu à peu dans une transe…
Dans la dramaturgie du concert, c’est aussi une façon pour vous d’emmener l’auditeur aux limites de l’expression, de refermer le concert sur quelque chose d’un peu débridé ?
Oui, absolument ! Je dois dire que c’est aussi le début d’un autre album, auquel je travaille en ce moment, le début d’une nouvelle histoire. J’ai choisi pour ce concert des chansons d’origines assez différentes : « Rosa canta e cunta » a été écrite par la grande chanteuse sicilienne, Rosa Balistreri (1927–1990). Vous pouvez imaginer la Sicile des années 40, 50 : la vie était loin d’être facile pour une femme et elle raconte dans cette chanson les violences, les injustices… Mais ce n’est pas une lamentation, plutôt une dénonciation. Avec un jeu de mots sur « cunta » : « je raconte et je tiens le compte » de toutes ces violences, pour ne pas devenir folle et rester moi-même. C’est un chant de fierté et de dignité. Je chante aussi dans ce concert une chanson de l’auteur-compositeur Domenico Modugno (1928–1994), « Pisci Spada » (L’espadon), que je dédie à toutes les femmes victimes de violences. Le texte évoque la pêche à l’espadon dans le détroit de Messine, où les poissons mâles se laissent pêcher avec les femelles, pour ne pas les abandonner… C’est une chanson sur la solidarité entre hommes et femmes.
Dans vos chansons en général, on sent des racines musicales assez différentes, pas uniquement italiennes. Comment décririez-vous votre chemin musical, comment s’est-il dessiné ?
Le chant pour moi, c’est une façon naturelle d’exprimer des émotions indicibles par la parole. J’ai commencé par la musique classique (piano et harpe) et quand j’ai découvert la musique traditionnelle, j’ai pris conscience que c’était la seule musique qui n’était pas liée à « l’esthétique », mais d’abord à une fonction. C’est pour moi, en ce sens, la véritable musique, qui vient de la nécessité d’exprimer des émotions vécues. Ce n’est pas fait pour être beau ; d’ailleurs on crie parfois, ou on utilise des sons absolument pas lisses, ce n’est pas du bel canto… Le cri peut exprimer la rage avec beaucoup plus de force que le chant. Dans les musiques traditionnelles, les frontières disparaissent : si vous écoutez une lamentation, par exemple, son expression est universelle, qu’elle vienne d’Italie, d’Albanie ou d’ailleurs. Ou la musicalité particulière d’une berceuse, elle aussi liée à une fonction : endormir l’enfant ou encore celle d’une chanson de labour – tout ce qui fait le quotidien des hommes dans toutes les cultures.
Comment commenteriez-vous votre présence dans une journée musicale intitulée « Viva Italia » ?
Peut-être l’expression d’une manière de vivre : la voix « cassée » par exemple, c’est une façon d’évoquer le sud de l’Italie, le soleil qui assèche tout, l’aridité de la terre. La musique traditionnelle, c’est un miroir du paysage…
(Propos recueillis par Hélène Pierrakos)